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La transcendance du sublime : ce sentiment magique que nous pouvons ressentir au quotidien

Vous êtes vous déjà retrouvé en complète admiration, comme hors du temps, face à l’étendue d’une mer lisse d’un bleu profond ? Pendant un ballet du lac des cygnes ? Ou bien en contemplant les cimes d’un récif montagneux enneigées ? Ou encore devant un documentaire sur l’immensité de notre univers ?

D’où vient ce sentiment ?

Il n’existe pas vraiment de terme dédié en français pour désigner ce sentiment, cependant on peut le retrouver dans la langue anglaise (« awe ») ou bien en allemand (« Ehrfurcht ») où il est décrit comme désignant un « sentiment de dévotion à ce que l’on estime plus grand que soi-même ». En français, le sublime est défini par Kant comme relevant d’une esthétique de la démesure : « est sublime ce qui, par cela seul qu’on peut le penser, démontre une faculté de l’âme qui dépasse toute mesure des sens ».

C’est principalement dans le contexte religieux que le sublime occupe traditionnellement une place très importante : la reconnaissance d’un Dieu, être supérieur, l’application des doctrines au quotidien, et l’exercice de la réflexion ou de la prière correspondent aux ressentis du sublime : le sentiment d’appartenance, la toute-puissance de Dieu, la complexité et le grandiose de cet être face à notre humilité humaine, jusqu’à la tension entre la vie et la mort.

Pour autant, depuis le XVIIIe siècle, le sublime a été l’objet de plus en plus de discussions, jusqu’à sa considération comme une expérience laïque comme par exemple dans l’observation de la nature, dans l’art et l’esthétique, dans le questionnement philosophique… C’est notamment l’idée que défend le philosophie irlandais Edmund Burke dans sa Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau où il explique que nous ressentons toujours une agréable « chair de poule » face à l’immensité et à l’inaccessibilité des créations grandioses.

Face à l’immensité

L’étude de ce sentiment dans la sphère scientifique est assez récente. En 2003, Dacher Keltner, de l’université de Californie à Berkeley, et Jonathan Haidt, de l’université de New York, ont proposé une théorie pour ce sentiment du sublime, qu’ils décomposent selon deux composantes : l’immensité et le besoin d’accommodation.

L’immensité renvoie à l’expérience de quelque chose qui est plus grand et plus puissant que nous tandis que l’accommodation, ou adaptation, a déjà été définie par le psychologue du développement Jean Piaget pour décrire le processus par lequel les enfants– et plus tard, les adultes – ajustent leur façon de penser et leurs structures cognitives à la réalité. Cela répond à un besoin d’adaptation mentale : nous intégrons nos expériences de la réalité à nos schémas de pensées afin d’y donner du sens. Si nous y parvenons, nous nous sentons chargés d’une énergie nouvelle, émerveillés ; dans le cas contraire, nous faisons l’expérience de la peur, du malaise.

Le sublime est un sentiment qui permet, en nous faisant ressentir l’immensité, de nous connecter à notre environnement et donc aux autres : il nous permet de faire l’expérience de la collectivité. D’ailleurs, il se manifeste souvent lors d’expériences communautaires comme dans la prière, la danse, la compétition sportive… C’est en effet dans ces situations où nous « nous oublions » en tant que personne pour intégrer un ensemble qui nous dépasse, et détournons ainsi notre attention de notre ego vers le groupe comme l’explique Paul Piff, professeur de psychologie à l’université de Californie à Irvine.

Un sentiment ambivalent

Ce qui fait la spécificité du sublime est l’ambivalence du ressenti que nous fait connaitre ce sentiment. D’une part, il nous plonge dans un état de contemplation intense, d’admiration profonde et d’émerveillement. L’ego est laissé de côté tandis que nous prenons conscience que nous faisons partie d’un tout, de quelque chose plus grand que nous. D’autre part, cette émotion peut déclencher un réel malaise chez la personne qui en fait l’expérience. En effet, faire face à l’immensité (d’une forêt, de la mer, de l’espace, de la vie…) nous rappelle à notre condition de mortel ; c’est alors un sentiment d’angoisse qui peut s’installer en nous face à l’incertitude, l’inconnu, la remise en question de notre existence qui nous apparait soudainement si peu importante, ou encore le danger (par exemple face à une tornade ou un tsunami) qui nous rappelle à notre manque de contrôle.

En 2017, les psychologues Amie Gordon, de l’université de Californie à San Francisco, et Jennifer Stellar, de l’université de Toronto ont étudié les effets négatifs de ce sentiment du sublime. Elles ont d’abord demandé à des participants de leur citer des événements où ils avaient ressenti cette émotion : 1 participant sur 5 a évoqué un événement menaçant : attaques, attentats, accidents… Ici, on retrouve l’impuissance et la perte contrôle générée par l’expérience de ce sentiment.

Ce côté négatif a des effets sur notre corps : les psychologues, après avoir divisé 600 volontaires en quatre groupes, les ont fait visionner des vidéos suscitant le sublime, sur un mode soit négatif, soit positif tandis que d’autres voyaient une scène suscitant la peur et les derniers regardaient une vidéo neutre. Après avoir répondu à des questions évaluant leur état émotionnel et leur estime de soi, il s’est avéré que les groupes ayant regardé des scènes suscitant le sublime négatif (catastrophes naturelles par exemple) étaient aussi stressés et affectés négativement que le groupe ayant visionné des extraits effrayants (comme un film d’horreur).

Une transcendance aux mille vertus

L’inverse est vrai également : les psychologues ont démontré que l’expérience positive du sublime s’accompagnait d’effets positifs pour notre santé, comme par exemple d’une réduction des taux de différents marqueurs inflammatoires dans l’organisme (= une réduction du stress et de l’anxiété, mais aussi du risque de développement maladies chroniques), tandis qu’une autre étude a prouvé que les personnes ressentant le sublime avaient l’impression de disposer de plus de temps que les autres, d’être moins impatient, et d’être davantage altruiste. Le sublime permet également à tout un chacun qui en fait l’expérience de développer son esprit critique.

Et ce n’est pas tout ! Il s’avère que le sublime nous rend également moins matérialiste et nous fait relativiser la perte d’objets : dans l’étude menée par Melanie Rudd, Kathleen D. Vohs, et Jennifer Aaker, un groupe de volontaires devait lire un texte court sur la vue de Paris depuis la tour Eiffel censée induire un état d’émerveillement tandis qu’un deuxième groupe se contentait de lire un texte sur un paysage quelconque. A la fin de l’étude, elles ont proposé aux participants un choix hypothétique entre un cadeau matériel (un sac à dos d’une valeur de $50) et une expérience (une carte iTunes de la même valeur).

Il s’est avéré que davantage de participants ayant lu l’histoire sur Paris ont préféré faire le choix de la carte iTunes. Cela s’expliquerait par le fait que l’expérience du sublime nous élèverait de nos soucis du quotidien délimité par des préoccupations mondaines comme l’argent et nous ferait prendre conscience de la transcendance de notre être avec le reste de l’univers.

Faire l’expérience du sublime au quotidien

Ainsi, il est important de cultiver l’expérience de ce sentiment. Pour cela, promenez vous dans la nature ou dans des lieux chargés d’histoire ; dormez à la belle étoile et contemplez le ciel ; enrichissez-vous en visionnant un documentaire inspirant ; concentrez-vous sur l’instant présent et pratiquer la mindfulness (pleine conscience) ; sortez de votre zone de confort pour vous confronter à la nouveauté !

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Manon Vercouter - Hypnose, PNL, Constellations
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